Bilan de la réduction des émissions de CO² - Eurostat 2004-2014

Publié le par François Cordelle

Bilan de la réduction des émissions de CO² - Eurostat 2004-2014

La France, dans le domaine de l'énergie électrique, est généralement très critiquée pour son faible engagement contre les émissions de GES, comparativement à l'Allemagne *. Les statistiques montrent à quel point ce reproche est injuste.

 

Ce document se propose d'étudier à partir des statistiques d'EUROSTAT, le développement des énergies renouvelables en Europe entre 2004 et 2014.

Sa lecture est un peu difficile, car les différentes données sont présentées en parlant beaucoup de pourcentages, ce qui présente l'inconvénient de ne pas mettre en évidence ce qui est important par rapport à ce qui est secondaire et de ne pas mentionner les valeurs concrètes.

 

J'ai rapporté dans le tableau ci-dessous les valeurs des productions d'énergie électrique pour l'Europe, la France et l'Allemagne, en milliards de kWh/an (TWh/an), pour les années 2004 et 2014, suivant la nature de chaque source : renouvelables (hydraulique, éolien et solaire), fossiles (en détaillant le charbon pour l'Europe) et nucléaire. En ce qui concerne la France, les chiffres sont issus du rapport de RTE (Réseau de Transport d'Electricité).

J'en déduirai ensuite les commentaires que je crois utile de faire.

 

 

 

En premier lieu, si j'ai détaillé pour la France la part hydraulique des autres sources renouvelables, c'est parce que :

  • la seule caractéristique qui leur est commune est bien leur caractère renouvelable tous les ans, mais
  • seulement dans la limite quantitative de ce que donne la nature (ce sont des énergies «de flux»)
  • à l'exception de toutes les autres :
  • stockable pour une très grande part, (ce qui assure la garantie de toute la fourniture, les variations saisonnières étant prévisibles),
  • modulables quasi instantanément (passage de 0% à 100% de charge en quelques minutes).

 

C'est grâce à l'importance du parc hydraulique français et d'un réseau d'interconnexion solide que la grande panne du 6 novembre 2006 suite à la coupure d'une ligne THT en Allemagne suivie de la disjonction des très importants ensembles éoliens et solaires d'Espagne et d'Allemagne du Nord, a pu être maîtrisée.**

 

L'examen du tableau montre que pour l'Europe en 10 années, la production en énergies renouvelables a doublé, mais, comme l'énergie hydraulique a certainement peu varié, la performance de l'éolien et du solaire a été en fait bien meilleure. L'exemple de la France (comme cela doit être le cas pour la Suisse, l'Italie et l'Autriche qui ont aussi d'importantes ressources hydrauliques), montre une performance modeste pour la totalité des renouvelables (+12,5%), mais qui correspond hors hydraulique fluviale, à +70% ; d'ailleurs, le résultat est appréciable, puisque la production d'énergie fossile a été réduite de 48% pour atteindre 6% de la production totale d'électricité. En 2015, cette proportion a encore été réduite à moins de 5%, ce qui correspond à ce qu'il est nécessaire de conserver pour pallier notamment les déficiences imprévisibles de l'éolien. La préférence recherchée de l'usage du gaz plutôt que du fuel et surtout du charbon réduira encore la quantité de CO² émise.

 

En ce qui concerne l'Europe, on peut noter la réduction de l'énergie issue du charbon : -177 TWh/an, soit -18%, alors que la production totale annuelle d'électricité n'a augmenté que de 3% depuis 2004.

 

En ce qui concerne l'Allemagne, force est de constater que l'accroissement important de la production éolienne et solaire de +88 Twh/an (+146%), n'a pas pu faire mieux que compenser la réduction de 75 TWh/an de l'énergie nucléaire (-10%) et répondre à une légère augmentation de la consommation d'électricité de +11 TWh (+1,8%). La consommation de charbon n'a pratiquement pas varié.

 

Comme je l'ai déjà dit à de multiples reprises, l'abandon des combustibles fossiles date de 1973, et est pratiquement achevé aujourd'hui ; le recours à des sources renouvelables telles que l'éolien ou le solaire pour l'énergie électrique ne peut être justifié par la défense du climat ; seules sont à évoquer les considérations techniques ou économiques pour définir les options. Si des considérations autres, politiques par exemple, devaient être envisagées, elles devraient être jugées en pleine connaissance de cause, au regard des coûts de toutes nature engendrés par un écart par rapport au meilleur choix technico-économique.

 

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* En 2014, la France a exporté 67 TWh d'électricité à ses voisins, une électricité ne comportant que 6% d'origine fossile ; on devrait donc porter à son crédit une contribution à la lutte contre les émissions de GES de l'Europe.

Cet aspect des choses mérite réflexion :

La réduction volontaire, sans raison technique, de la production du parc nucléaire français, aurait pour conséquence, non seulement la réduction de nos exportations, mais l'augmentation des émissions de GES de l'Europe et leur incidence sur la santé. De même, si la France devait importer de l'électricité, elle la payerait cher, et contribuerait à la pollution de l'air.

Les choses étant ce qu'elles sont, si au contraire, on utilisait notre parc au maximum, nul doute que nos voisins seraient clients d'une énergie non carbonée à un prix intéressant, en bénéficiant d'une amélioration sanitaire.

Avec l'institution d'une taxe carbone significative, tout serait en place pour inciter à décarboner l'électricité européenne. Ne serait-ce pas une bonne œuvre ?

 

** A de nombreuses reprises, je lis des déclarations selon lesquelles on va développer les aménagements hydrauliques ; il ne faut pas se bercer d'illusions, ce ne sera pas possible dans de nombreux pays (dont la France), qui ont pratiquement épuisé les possibilités dans leurs territoires ; on pourra augmenter la puissance installée, pour répondre à des besoins de pointe de consommation, mais on ne pourra pas augmenter la quantité d'eau tombant sur les reliefs, ni la topographie qui nous procure les moyens de concentration des eaux et de les faire chuter. Mais l'augmentation de la puissance installée suppose une durée d'utilisation à pleine charge d'autant plus faible.

On pourra même réaliser des installations de transfert d'énergie par pompage pour augmenter encore plus la puissance équipée, mais en acceptant une réduction de l'énergie produite, de l'ordre de 20% (rendements cumulés d'un pompage et d'un turbinage).

Par contre, à l'échelle de la Terre, en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie, de nombreux cours d'eau très importants, dont beaucoup sont peu ou pas aménagés, pourraient faire l'objet d'installations, au prix peut-être de longues lignes de transport

 

 

Publié dans EDF, Energie, CO2

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