Pourquoi arrêter Fessenheim ?
A la suite de la décision de reporter la date de la fermeture de la centrale de Fessenheim, des déclarations ont été faites qualifiant cette mesure de prise de risque inadmissible après la catastrophe de Fukushima, au regard des séismes et de l'inondation de la centrale. Ayant été moi-même responsable de la réalisation de cet ouvrage, je me sens obligé de réagir devant l'absurdité de ces déclarations, qui montrent l'ignorance de leurs auteurs des conditions réelles de la situation de la centrale de Fessenheim :
En ce qui concerne le risque sismique, il est exact que Bâle est une zone jugée légèrement sismique en France, mais qui aurait été banale au Japon. Nous avons rencontré les spécialistes japonais pour profiter de leur grande connaissance de ces problèmes, qui ont notamment fait des essais sur des très grandes tables à secousses afin de déterminer les règles à suivre pour résister à des séismes très importants. Je rappelle que la centrale de Fukushima a parfaitement réagi au séisme ; ce n'est que le gigantesque tsunami qui a suivi qui a eu des conséquences dramatiques pour la population, et qui a causé des dégats très importants à la centrale, sans que ceux-ci soient la cause de décés. En ce qui concerne Fessenheim, plusieur séismes ont déjà été enregistrés, sans qu la centrale ait été arrétée de ce fait.
En ce qui concerne le risque d'inondation, ayant travaillé pendant16 ans à la réalisation d'aménagements hydroélectriques, je peux affirmer qu' il est nul pour Fessenheim compte tenu de la situation très particulière du site : Il ne s'agit pas du Rhin, mais du canal latéral créé pour alimenter l'usine hydroélectrique de Fessenheim (16m. de chute) et permettre l'installation d'une écluse pour la navigation. Le bief a son origine à l'amont de la prise d'eau de Khems à l'aval de Bâle, et aboutit à la centrale hydraulique, 1km à l'aval de la centrale nucléaire ; le lit du Rhin au droit de cette dernière est donc environ 15m au dessous du niveau de la prise d'eau.
J'ajoute que, étant maître de l'entrée et de la sortie d'eau du bief, on peut à tous moments décider du niveau que l'on souhaite avoir ; cela garantit, et contre le débordement, et contre le manque d'eau pour la réfrigération du réacteur. Enfin, aucun incident n'a été observé sur les nombreuse digues que comporte l'aménagement du Rhin de Bâle à Strasbourg (depuis 1956).
Je rappelle que la centrale nucléaire de Fessenheim, qui n'a jamais été arrétée en dehors des arrêts programmés, tous les ans pour rechargement en combustible et entretien courant, et tous les 10 ans pour gros entretien et visite décennale de sûreté, produit annuellement 12,5 milliards de kWh. La production cumulée depuis sa mise en service est approximativement de 440 milliards de kWh.
Si cette énergie avait dû être produite par des centrales à fuel, les quantités de CO² émises auraient été respectivement de 10 et 350 millions de tonnes de CO² ; au coût de 100€/tonne de CO² émise, valeur de la taxe carbone fixée par la Suède depuis plus de 10 ans, cela correspondrait à 1 et 35 milliards d'Euros. Enfin, le prix de revient marginal de la centrale de Fessenheim est particulièrement bas, car l'investissement, qui est une part importante du prix de revient, est complètement amorti. On parle pour le prix moyen, de 0,08€/kWh en France, à comparer auprix allemand de 0,15€/kWh avant la fermeture des centrales nucléaires, puis de 0,30€/kWh après.
Devant ces chiffres, en particulier à un moment où la nation est pauvre, on se demande s'il est opportun d'arrêter une centrale qui ne demande qu'à marcher, et, en regardant plus loin, si, non seulement on doit réduire la production nucléaire dans le cadre de nos besoins, mais s'il ne faudrait pas exporter cette énergie que personne ne pourrait concurrencer et qui ne manquerait pas d'acheteur. La France pourrait ajouter à ses exportations d'avions, de navires, de chemins de fer, celle des centrales électriques.